Des magazines en font écho, des médias nationaux en parlent sur les ondes, et aux heures de grande écoute, on commence à invoquer le tourisme responsable ou durable.
Pour qui souhaite voir se développer un tourisme alternatif, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Cependant, la confusion que génère une information trop abrupte, sans notion du contexte, nuit gravement à la compréhension de la problématique.
Sans compter que la plupart des structures ou personnes qui communiquent sur ce sujet commercialisent eux-mêmes des voyages.
Pour que les choses soient un peu plus lisibles, disons que le tourisme alternatif englobe quatre composantes principales.
- Le tourisme solidaire et le tourisme équitable, deux notions assez proches d’aide au développement de communautés, de partenariats développés selon des principes de transparence et d’équité, et de participation à des microprojets d’ordre solidaire ou humanitaire.
Deux composantes bien représentées, par l’UNAT (Union Nationale des Associations de Tourisme), et son émanation : l’ATES (Associations de Tourisme Équitable et Solidaire).
Dans ce domaine les offres sont de plus en plus nombreuses. Elles émanent principalement d’associations, mais des Tour-opérateurs commencent à s’y intéresser.
- L’écotourisme, notion ancienne de visites effectuées dans des zones protégées : Parcs nationaux, Parcs naturels régionaux, réserves, zones vierges, communes (Stations vertes)… L’écotourisme est représenté par des acteurs constitutionnels que l’on entend peu en dehors de leurs aires d’attribution. Cependant, une nouvelle offre touristique axée sur cette notion, est en train de prendre corps dans des programmes de voyagistes qui se positionnent sur ce créneau. Saïga en est un exemple, et au sein de V.V.E il existe plusieurs opérateurs labellisés par les Parcs naturels régionaux ou nationaux.
Des associations, comme par exemple Echoway, œuvrent également dans ce domaine, notamment en évaluant la qualité des hébergements dans des zones de pratiques écotouristiques.
- Le tourisme responsable, largement diffusé par ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) qui regroupe une vingtaine de Tour-opérateurs), mais auquel se réfèrent également des organismes n’adhérant pas aux principes de cette association, composée exclusivement de voyagistes, qui en quelque sorte auto-labellise ses adhérents au moyen d’une certification.
Les critères servant à cette "labellisation" n'ayant cessé de baisser en exigences, ATR a entrepris de "labelliser" de grosses entreprises du secteur touristique, n'appliquant absolument pas les principes régissant ces formes de tourisme. Ce qui, in-fine, décrédibilise totalement la démarche initiale !
Notons que V.V.E (l’association des voyageurs et voyagistes éco-responsables), chamboule l’échiquier ainsi défini, en se plaçant de manière transversale sur ces quatre thématiques, et en raison du greenwashing sévissant sur ces terminologies, n'emploie plus les vocables "tourisme responsable" ou "tourisme durable".
V.V.E constitue aujourd'hui le premier réseau international de l'écotourisme, du voyage solidaire et participatif.
Elle comporte en son sein plusieurs opérateurs de tourisme solidaire.
Elle est également la seule à proposer une offre d'écovolontariat ou voyages participatifs avec un leader : Cybelle Planète, à l'origine de la Charte de l'écovolontariat et la charte de l'écovolontaire, développée lors du Salon Sol & Ecoturismo les 1er et 2 décembre 2018.
V.V.E développe des partenariats dans différents domaines et regroupe une vingtaine de voyagistes et agences réceptives en France et à l'étranger, plus de
6 000 voyageurs, des hébergeurs, des associations et des guides accompagnateurs, soit l'ensemble des composantes du secteur.
Les voyagistes souhaitant adhérer à l’association sont acceptés sur la base de critères établis avec un niveau d’exigence élevé, en lien direct avec des observations faites sur le terrain.
V.V.E est également très active sur les questions de développement durable en montagne, et engagée aux côtés de l’association Mountain riders pour faire bouger les lignes dans ce domaine, dénonçant depuis des années un développement souvent irrationnel et irraisonné des stations de ski, gérées par des entreprises privées d'abord soucieuses de bénéfices.
Certains parlent de plus en plus ouvertement de tourisme durable, autre notion complexe, qui sous-tendrait que notre civilisation se trouve dans une configuration de durabilité, et que les voyages en question y participeraient.
Or l’empreinte écologique des pays industrialisés, émetteurs de la quasi-totalité des voyageurs, est de trois à onze fois supérieure à ce que peut supporter la planète !
Cependant les choses se mettent progressivement en place en matière de tourisme durable et responsable, et des critères internationaux validés par les instances représentatives ont été élaborés et publiés.
Il s’agit cependant de critères de base, peu contraignants et largement perfectibles au niveau de la France, qui, de part sa position dominante en de nombreux secteurs, aurait un rôle moteur particulier à tenir.
Alors, Tourisme solidaire, équitable, responsable ou écotourisme ?
Si l’on considère que les deux premières composantes représentent à ce jour moins de 10 000 voyageurs par an en France, et la troisième environ 150 000, pour 10 millions de touristes qui partent à l’étranger et plus de 90 millions qui viennent visiter notre pays, l’on se rend un peu mieux compte de la toute petite goutte d’eau que ces tendances représentent dans le vase Tourisme International.
Et de la disproportion existant entre le poids économique et social de ces nouvelles façons de voyager et la quantité d’informations relayées par les médias sur le sujet.
Quelques considérations supplémentaires s’imposent :
Les aspects environnementaux et microéconomiques, deux notions essentielles au tourisme durable ne figurent pas dans les préoccupations premières des organisations qui s’adonnent au tourisme solidaire ou équitable.
L’écotourisme attire de plus en plus de voyageurs potentiels, mais il existe dans ce domaine un déficit de communication, et une difficulté à identifier les opérateurs du secteur.
Beaucoup d’écotouristes s’auto-organisent, oubliant souvent au passage que les émanations de CO2 diffusées par l’activité touristique sont largement dues au tourisme individuel et au transport (75% des émissions dans les stations de montagne). Et que par conséquent, ils y contribuent très largement tout en préservant leur bonne conscience.
Voyager de manière individuelle dans des zones protégées, n’est pas un gage de bonne conduite.
Il suffit de constater les dégradations causées par de simples traces de 4X4 dans le désert pour le comprendre, ou d’additionner la quantité de matières fécales et de déchets laissés par l’ensemble des « écotouristes » individuels dans certains endroits.
Quant à ceux qui préfèrent partir avec un voyagiste, ils utilisent pour la plupart les services des opérateurs dits d’aventure. Et là la tâche n’est pas simple !
Comment s’y retrouver dans cette offre pléthorique de voyages dits responsables ?
Parmi lesquels il est possible de trouver des séjours utilisant des déplacements en hydravion au Canada, en motoneige en Finlande, en 4X4 dans les dunes, voire même à bord de bateaux de croisières, l’une des formes de voyages les moins respectueuses de l’environnement et la moins responsable en matière de gestion des flux touristiques (nombreuses surfréquentations avérées).
Quels seraient alors des facteurs essentiels concernant des voyages de groupes ?
(Les critères que nous allons développer ci-dessous se rapportent à la Charte des voyagistes éco-responsables©).
1: La question de la conception du voyage est un facteur déterminant.
S’agit-il d’un voyage assemblé par le voyagiste à partir d’éléments, notamment d’itinéraires, qu’il maîtrise peu ou pas du tout, ou au contraire est-il fabriqué grâce au savoir-faire du Tour-opérateur ?
2 : L’accompagnement est un autre point capital. Les législations en vigueur dans le pays récepteur, mais aussi en France, sont-elles respectées ? Existe-t-il un lien direct entre l’accompagnateur et le Tour-opérateur qui vend le voyage, ou ce lien est-il dilué dans les méandres de la sous-traitance ?
3 : L’emploi de partenaires locaux ou d’agences réceptives s’inscrit-il dans une démarche de partenariat privilégié ? Ou de sous-traitance à des agences locales. Quelle est la taille de l’agence locale, artisanale ou industrielle ? La question de l’origine des dirigeants de ces organismes partenaires est elle aussi essentielle. En effet, ils peuvent être dirigés par des européens expatriés, comme c’est le cas bien souvent en Amérique latine…
Dans le cadre d’un tourisme responsable, ce sont des partenariats, sur des produits exclusifs, avec des réceptifs locaux de petite taille qu’il conviendrait de développer.
4 : Comment parler aujourd’hui de tourisme responsable sans faire référence à l’abandon des formules où il faut tout voir en un seul voyage, des sites incontournables qu’il faut avoir vus, du facteur temps à reconsidérer, de l’abandon des transports les plus polluants tels que ceux énoncés ci-dessus, de la limitation des émissions de CO2 en agissant sur les programmes, et leur éventuelle compensation ?
5 : Le tourisme responsable se doit également de faire connaître au voyageur l’exacte répartition du coût du voyage qu’il achète. Ce principe incontournable se dénomme la transparence.
6 : La prise en compte, lors de l’élaboration des programmes, de la répartition des flux de voyageurs (en diversifiant son offre plutôt que concurrencer les autres voyagistes) peut être aisément identifiée.
Il suffit de vérifier si l’on trouve des itinéraires identiques parmi la concurrence.
7 : Enfin, le niveau des salaires au sein de l’entreprise, l’emploi des stagiaires (accompagnement des stagiaires vers l’emploi, ou utilisation abusive à des fins de réduction de la masse salariale), le turn-over, constituent d’autres indicateurs…
Concernant le tourisme individuel, plus particulièrement en France, notons qu’il serait disposé à évoluer très rapidement vers un tourisme plus responsable.
À condition toutefois qu’il ne s’oriente pas, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années, vers le zapping permanent, les prix les plus bas, et l’utilisation abusive du transport automobile.
Il existe en effet un peu partout en France des acteurs de terrain ancrés sur leur territoire, qui œuvrent, en toute méconnaissance du grand public, à fournir une offre touristique alternative, sans véritable moyen de fédérer leur énergie.
La plupart des accompagnateurs en montagne, des guides, des brevetés d’État des sports d’eau vive, de l’escalade, du ski, de la spéléo sont sensibilisés à l’environnement naturel et social de leur région, et agissent au quotidien pour que leurs activités se déroulent dans des conditions qui n’obèrent pas le futur.
Un nombre important d’accompagnateurs et de guides disposent d’une habilitation qui leur permet de commercialiser leur offre sous forme de tout compris.
Véritables artisans du voyage, ils ont développé des relations privilégiées avec des partenaires, en intégrant depuis longtemps les notions de préservation de l’environnement, d’aide au développement, d’équité et de juste rémunération.
Certains se sont regroupés pour créer des voyagistes de taille artisanale, adhérant à ces principes par conviction, et non par souci d’attirer un nombre toujours croissant de clients.
Les employés des Parcs nationaux, les acteurs des Parcs naturels régionaux agissent au quotidien pour la préservation de notre patrimoine, naturel, bâti et humain.
Les véritables maîtres d’œuvre d’un tourisme alternatif existent depuis longtemps déjà !
Seul fait défaut leur aptitude à la communication !
Mais ce qui manque cruellement, c’est également une conscience éco-responsable du consommateur de voyages.
Il s’agit avant tout que le voyageur devienne lui-même responsable des conséquences sociales et environnementales de son acte d’achat, plutôt que de sous-traiter sa bonne conscience à un organisme supposé responsable, voire "labellisé".
Et qu’il accepte de payer le juste prix, même si le voyage responsable n’est par essence pas plus cher qu’un voyage classique.
Les prix toujours tirés vers le bas ne permettent plus d’assurer, ni la qualité requise, ni des salaires dignes pour l’ensemble des intervenants.
L’un des challenges du tourisme responsable serait de veiller à ne pas concentrer toute la demande sur quelques opérateurs, souvent les plus gros déjà, par des mécanismes, qui, utilisés par les guides de voyages, ont conduit à des situations notoires de surfréquentation de certains lieux touristiques.
Jean-Pierre Lamic, président-fondateur de l’association des Voyageurs et Voyagistes éco-responsables et auteur de "Tourisme durable, de l'utopie à la réalité" , éditions Kalo Taxidi, , septembre 2019.